Après deux jours de tortures les plus cruelles, Abou Hammar ne s'attendait pas à ce que l'officier et les hommes qui le suppliciaient jour et nuit le remettent entre les mains d'un civil encore plus sadique, avec ce simple avertissement : «Maintenant, tu vas faire connaissance avec le roi de la mort.» Ce «roi de la mort» n'a pas de nom, mais il a un visage, terrible, avec une très longue barbe. Il est aussi très grand, massif, avec une musculature de boxeur poids lourd, «comme ceux que l'on voit à la télé».
Aujourd'hui, Abou Hammar, un commerçant de Hama (au centre de la Syrie), se remet de ses blessures dans un établissement de l'Union des organisations syriennes de secours médical, une structure proche de l'opposition, qui bénéficie du soutien technique et financier de Médecins du monde (MDM). Sur tout son corps, on peut voir les stigmates de ses supplices, en particulier ses pieds où les ongles n'ont pas encore repoussé, ses mollets où la chair demeure déchiquetée et son dos encore marbré et zébré. «Vous ne pouvez pas imaginer dans quel état il est arrivé. On voyait tous les tendons de ses pieds, les chairs étaient à vif», confirme une infirmière de MDM, qui ne veut pas que son nom soit cité. Il y a survécu, mais son frère, arrêté le même jour que lui, n'a pas eu cette chance : il est mort sous la torture.
Abou Hammar est un solide quinquagénaire au visage comme taillé dans le granit. A cause de sa tête rasée et d'une barbe d'une ampleur certaine,