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grand angle

«Un missile dans votre expresso ?»

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Sous les roquettes (1/2). Juste avant que la Palestine devienne Etat observateur à l’ONU vendredi, il y avait des tirs de missiles entre Gaza et Israël. Retour sur cet épisode avec deux textes en miroir. Aujourd’hui, un récit d’Etgar Keret.
par Etgar Keret, Ecrivain Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech.
publié le 2 décembre 2012 à 19h06

Dans la cage d’escalier, une jolie jeune femme verse des torrents de larmes. «Je ne veux pas mourir, répète-t-elle, comme un mantra. Je ne veux pas mourir.» A côté d’elle, une vieille femme semble peu soucieuse de sa mort et encore moins de celle de sa jeune voisine, si une roquette lui tombait dessus, il y aurait au moins un peu de calme. Le numéro tatoué sur le bras ridé la vieille dame est la preuve indélébile que dans la vie, elle a vu une ou deux choses un peu plus menaçantes qu’une alerte antimissiles sur Tel-Aviv. «Tu ne vas pas mourir, je dis à la jeune femme. Personne ne va mourir. Même si le missile arrive jusqu’ici, le dôme de fer le fera dévier. Fais-moi confiance, je connais le sujet, je suis ingénieur en aéronautique.» La jeune femme continue de pleurer, mais cesse de marmonner. Sa main gauche agrippe mon bras comme une barrière de sécurité.

Je ne suis pas ingénieur, je suis écrivain, mais en situation d’urgence, je peux m’attribuer des fonctions apaisantes pour mon entourage proche. Cette tradition a été inaugurée, il y a vingt et un ans, à l’époque de la guerre du Golfe. Rassurer des jeunes femmes pendant une attaque de missiles était déjà ma spécialité. Mais j’étais encore jeune et célibataire alors qu’à présent, pendant tout le temps où j’apaise la jeune femme, je ne pense qu’à mon fils de 7 ans, et je prie en silence pour que ceux des grandes classes ne l’écrasent pas en courant à l’abri.

L'explosion fait du brui