Pendant une courte accalmie, une voix aiguë comme une flèche part du haut-parleur d'un minaret et perce la vieille ville toute proche. «Frères, si vous avez perdu vos clés, venez à la mosquée, on vous les donnera.» Les clés, ce ne sont pas celles de la maison. Ce sont les parents, les enfants, les êtres chers disparus dans la tempête qui secoue Alep depuis plus de quatre mois et que la religion se propose de remplacer. Ce sont également les boutiques détruites, les demeures dévastées, celles de la ville historique notamment, qui paye elle aussi un lourd tribut à la bataille.
Mais Hajj Abdou, chef de la katiba («phalange») des Seigneurs du Towhid («l'Unicité divine»), ne se préoccupe guère des maisons écroulées, des avenues tapissées d'ordures ou obstruées par les décombres, comme ceux du caravansérail de la rue Jalun al-Kubra qui ont complètement bloqué la ruelle voisine. Ce qui intéresse en ce moment ce Syrien de 44 ans, vétéran de bien d'autres fronts de la guerre sainte, ce sont les mosquées. Et s'il va de l'une à l'autre, dédaignant un temps la direction des combats, c'est pour montrer celles qu'un obus a endommagées ou témoigner que le régime a menti en prétendant détenir telle autre. «Oui, je veux bien vous parler, mais devant la mosquée Chouhahieh. Le nizam [régime, ndlr] prétend l'avoir toujours sous son contrôle. Comme ça, vous verrez que ce n'est pas vrai !» lance-t-il avec assurance.
Dérisoire. Dans la gr