Des dizaines de milliers de manifestants ont pris d'assaut hier soir les alentours de la présidence de la République au Caire pour exiger que le président Mohamed Morsi, issu des rangs des Frères musulmans, retire son décret du 22 novembre par lequel il a considérablement élargi ses pouvoirs. Henri Boulad, 81 ans, ancien supérieur des jésuites d'Alexandrie, professeur de théologie et aujourd'hui vice-président de Caritas Egypte, joint hier soir, se déclarait «pas surpris par le vent de la révolte qui souffle sur le pays. Enfin l'espoir renaît». Dans un entretien réalisé peu de temps avant les événements d'hier, il analysait pour Libération le coup de force constitutionnel du président Morsi.
Que vous inspire la situation de ces dernières semaines ?
Depuis deux mois, les Frères musulmans sont en train de perdre toute crédibilité auprès du peuple. J'ai entendu dans la rue des slogans anti-Morsi à Alexandrie et au Caire : «Dégage, tu n'es pas capable de gérer le pays», ou «la charge est bien trop lourde pour toi». Je sens depuis quinze jours une ambiance de prérévolte. La déception est vive à cause des promesses non tenues et du mauvais état de l'économie. Je parlerai presque de perte de vitesse de l'influence des Frères. Si cela était confirmé c'est un phénomène de désagrégation de l'opinion publique, qui était jusque-là favorable aux idées islamistes. Ce rejet est dû aussi aux coups de force contre les juges et à la mise en route au pas de charge d'une nouvelle Constitution qui sera soumise à référ