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Libération
Critique

Baltimore, archipel infernal

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Points de vue et cartes du monde
par Bertrand Pleven, Géographe, équipe de recherche Géographie-Cités
publié le 7 décembre 2012 à 19h07

Avec David Simon, on a fait, en France, tout à l'envers : le succès de la série The Wire a mené à The Corner et cette dernière a conduit à découvrir son œuvre livresque (1). Intitulée Baltimore, la traduction française d'Homicide, A Year on the Killing Streets, sorti initialement en 1991, clôt la boucle, ou plus exactement l'ouvre. Assumons donc la lecture archéologique d'un ouvrage portant déjà la marque de fabrique de l'ex-journaliste du Baltimore Sun : l'authentique.

D'un coin de rue sordide, scène d'un énième homicide, l'auteur s'interroge : «Si un dealer tombe dans les rues de Baltimore et que personne n'est là pour l'entendre, produit-il un son ?» Une question parmi tant d'autres mais qui donne a posteriori une clé de lecture d'une œuvre occupée à raconter depuis la rue, à rendre audibles les bruits étouffés des marges urbaines et ainsi repolitiser un espace public en régression.

Baltimore, véritable socle documentaire de The Wire, est le fruit d'une enquête de terrain d'un an, en immersion au sein de la brigade criminelle de la ville. Celle-ci rend compte, à la manière d'un journal de bord, de l'amoncellement des corps dans une ville confrontée à la désindustrialisation. David Simon y déchiffre un archipel infernal, révélant une logique géographique élevée au rang de quasi-loi : dans les friches délaissées, des pavillons abandonnés ou les parkings désertés, le crime semble systématiquement remplir l