Puisqu'il faut bien nommer les choses, parlons de grand évitement, de refoulement. Un mélange diffus de prudence, silence et méfiance généralisés. Un malaise qui empoisonne l'enseignement de l'histoire contemporaine au Japon. Cette histoire n'en finit pourtant pas de resurgir lors de régulières flambées de violence et de polémiques à répétition que l'archipel affronte non sans mal et équivoque dans ses relations avec ses voisins coréen et chinois ayant subi son joug durant les années 1910-1945. Ceux-ci ne cessent de la lui rappeler avec force depuis plusieurs semaines. Et ils ne devraient pas manquer de titiller le Japon au moment où celui-ci entre en ébullition électorale pour les législatives du 16 décembre. «L'histoire dans ce pays est un grand problème, résume Saito Kazuharu, spécialiste de l'Extrême-Orient à l'université Meiji à Tokyo et enseignant en lycée. Alors on l'écarte, on l'évite, mais évidemment, à chaque fois, ça revient.»
«Nombreux tabous»
Ce malaise en forme d'escamotage, Rio Nakamura l'a vécu en dernière année du lycée, il y a un an et demi. «La querelle avec Pékin sur les îles Senkaku, celle avec Séoul au sujet de l'archipel de Takeshima ou encore la polémique autour de Yasukuni [sanctuaire shinto à Tokyo qui accueille les âmes de criminels de guerre de la Seconde Guerre mondiale, ndlr], je n'en ai jamais entendu parler à l'école, se souvient cette vive étudiante en droit de 20 ans qui étudie près de Shibuya, au sud de la capitale nippone.