Mohammed Abdel Kader a beau tenter de convaincre ses administrés, il n'y parvient plus. Lundi, en milieu d'après-midi, le maire d'El-Mahalla el-Koubra (à 150 km au nord du Caire) rencontrait une quinzaine de professeurs d'un lycée pour filles situé à l'entrée de la ville. Assis derrière le bureau du proviseur, il enchaîne les formules toutes faites, répète qu'il s'intéresse aux «réalités du terrain» et que «l'espoir est synonyme de patience». Debouts face à lui, les enseignants l'observent sans rien dire. Ils se rapprochent peu à peu, comme s'ils voulaient l'encercler. «Comment est-il possible que certains d'entre nous n'aient pas reçu leur salaire du mois dernier ?» l'interpelle un professeur de chimie. «Pourquoi n'a-t-on pas les fournitures commandées il y a plusieurs mois ?» demande une femme d'une quarantaine d'années. «Et pourquoi la sécurité aux abords de l'école s'est-elle si dégradée ?» lance un autre enseignant. L'édile sourit, gêné, et s'empresse de signer, sans les lire, les demandes de mutation que lui a glissées une enseignante.
Colère. Trois minutes plus tard, le maire et ses assistants ont quitté l'école. Mohammed Abdel Kader a raison de ne pas s'attarder. Ancien membre de la Haute Cour d'Egypte, il connaît la réputation frondeuse d'El-Mahalla el-Koubra, première cité industrielle du pays. Ses ouvriers du textile ont organisé des grèves générales sous le régime Moubarak et obtenu des hausses de salai