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grand angle

Tibet, l’essence de la résistance

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Comme la jeune Tingzin il y a un mois, les Tibétains sont de plus en plus nombreux à s’immoler par le feu pour protester contre la politique d’assimilation de Pékin. Reportage dans une région sous haute surveillance.
Le corps encore en feu de Dhondup, un Tibétain de 60 ans qui s’est immolé par le 22 octobre à Labrang. (Photo DR. Reuters)
publié le 11 décembre 2012 à 22h36

Le Tibet s'enflamme comme si l'apocalypse était pour bientôt. Au cours du seul mois de novembre, au moins 27 Tibétains se sont volontairement transformés en torches vivantes. Le plus courageux a psalmodié des prières sur plusieurs centaines de mètres avant de s'écrouler ; un autre s'est frappé la tête sur une pierre pour abréger ses souffrances. Samedi, un pâtre de 23 ans s'est sacrifié devant une foule de spectateurs composée de moines et de laïcs contemplant passivement le martyr qui se consumait sous leurs yeux, et criant : «Tibet indépendant !»

Depuis la première immolation, celle d'un moine en février 2009, une centaine de Tibétains ont mis fin à leurs jours avec de l'essence et un craquement d'allumette. Des jeunes d'une vingtaine d'années, des éleveurs, des jeunes mariés, des religieux, des pères de famille. Une épidémie de suicides par les flammes qui serait destinée à retarder la fin d'un monde qu'ils voient disparaître sous leurs yeux. «Désormais, 80% des Tibétains ont compris quelle était l'intention des Chinois, confie un enseignant tibétain. Ils veulent éradiquer notre langue, notre culture, notre religion, notre histoire, notre dignité, et nous assimiler.»

Des sacs d’orge grillée en guise d’ex-voto

L’une des dernières à accomplir ce geste funeste fut une adolescente du nom de Sangye Dolma. Agée de 17 ans, elle s’est brûlée le 25 novembre près du temple bouddhiste de Duohemao, un village des hauts plateaux de la région tibétaine du Qinghai. La piste déserte qui y conduit s’étire