Géographe et japonologue réputé, Philippe Pelletier enseigne à l’université Lyon-II. Il a longtemps résidé au Japon et est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’archipel et sur l’insularité en général (1). Il y démonte avec exigence les clichés les plus courants sur la culture nippone. En cette veille de législatives, il nuance l’image d’un Japon en cols blancs.
Quand et où apparaît l’industrie ?
Les premières industries modernes (hauts fourneaux, chantiers navals…) apparaissent au milieu du XIXe siècle dans les seigneuries les plus ouvertes à l'innovation, à Kyûshû [l'île la plus au sud de l'archipel, ndlr], notamment. Depuis la révolution Meiji (1868), l'industrie encadrée par l'Etat et de grands groupes se localise dans les grandes villes. Au cours de la Haute Croissance (1955-1973), l'industrie lourde occupe les littoraux de la mégapole de Tokyo (sidérurgie sur l'eau, combinats pétrochimiques…), tandis que l'industrie manufacturière s'étend à proximité, soit dans les combinats, soit dans les banlieues plus ou moins lointaines.
Peut-on parler d’une culture ouvrière ?
A partir des années 70, la production de pièces détachées manufacturières gagne les provinces rurales, souvent en sous-traitance, là où le travail est meilleur marché (main-d'œuvre féminine dans l'électronique notamment, syndicalisation plus faible), comme dans la Silicon Island de Kyûshû au sud-ouest ou le Tôhoku au nord-est [de l'île centrale de Honshû]. De fait, la Mégapole met en avant ses quartiers de bureaux, mais elle est d'abord une gigantesque conur