Menu
Libération

Le français reconquiert l’Algérie

Article réservé aux abonnés
Longtemps considérée comme symbole de la colonisation, la langue regagne peu à peu ses lettres de noblesse.
publié le 20 décembre 2012 à 21h06

Le français ne serait donc pas ce vieux mobilier en forme de bec de gaz en fonte, une langue empaillée, une victime de la taxidermie ? «C'est une langue totalement créolisée. En Algérie, on la parle avec des accents toniques inattendus, ce qui fait qu'elle monte dans les aigus alors qu'à Paris elle est toute plate», dit Charkib Arslane Boudjakdji, étudiant en génie climatique. Ce dernier attend toujours un visa pour achever son master en France : «C'est le paradoxe. On donne des visas à des trabendistes [trafiquants sur le marché noir, ndlr] et on les refuse à des types comme moi qui font l'effort d'étudier [le français] à fond pour terminer leurs études», se désole-t-il.

Fil de fer. Le français fut certes ce mobilier poussé dans un coin du salon par l'arabisation à marche forcée dans les années 80, un mobilier avec gerbes et couronnes comme sur un catafalque, prêt pour le voyage de l'au-delà. Cette vision souvent avancée ne serait pas juste, selon Khaoula Taleb Ibrahimi, linguiste à Alger-II : «Le français n'est d'abord plus ce butin de guerre, comme l'écrivait Kateb Yacine. Le rapport à la langue a changé. Il y a un bricolage du français en Algérie. En fait, le français est une langue étrangement algérienne, mais qui est toujours considérée dans les textes comme une langue étrangère, au même titre que l'anglais, le mandarin, l'espagnol…»

Le français : un fil de fer que l'usage de la rue a torsadé pour en faire une sorte de