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Libération
Interview

«Le Mali est porteur d’une longue histoire de l’Etat»

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Spécialiste des pratiques protestataires de Bamako, Johanna Siméant revient sur le putsch du 22 mars 2012 :
publié le 20 janvier 2013 à 20h56

Professeur de science politique à Paris-I, où elle dirige le master d’études africaines, Johanna Siméant travaille depuis 2008 sur les formes de protestation et de critique politique et sociale à Bamako.

Le coup d’Etat militaire de mars dernier a fait soudainement apparaître un Mali très différent de celui dont on soulignait souvent l’exemplarité. Comment le comprendre ?

Effectivement, le putsch du 22 mars 2012 a fait voler en éclats l'image de bon élève démocratique, du Mali «donor darling» des bailleurs de fond internationaux. Il y a quelque ironie à entendre des commentateurs qui vantaient il n'y a pas si longtemps la démocratie malienne s'exclamer tout à coup que le Mali du président Amadou Toumani Touré [ATT] n'était qu'une «démocratie de façade». Il est vrai que le Mali est passé à des institutions démocratiques en 1991 suite à un véritable mouvement populaire, et à des morts de manifestants dont on rappelle encore très souvent le martyre. Celui qui n'était alors qu'un lieutenant-colonel a contribué à la chute de Moussa Traoré, devenant le chef d'Etat de la transition, puis ne se présentant pas à la présidentielle de 1992. Si l'on rajoute qu'ATT, élu en 2002 et réélu en 2007, n'a pas, contrairement à d'autres, modifié la Constitution pour briguer un troisième mandat, on comprend qu'il y ait eu quelques bonnes raisons de souligner l'exemplarité du Mali.

Et même le caractère «démocratique» du régime ?

Sauf que la consistance d’une vie démocratique ne se mesure pas seulement à l’existence d’institutions démocratiques, d’élections concurrentielles ou de liberté de la presse. La transition de 1991 n’était pas à porter au seul crédit des manifestants : d’autres facteurs avaient jou