Professeur de science politique à Paris-I, où elle dirige le master d’études africaines, Johanna Siméant travaille depuis 2008 sur les formes de protestation et de critique politique et sociale à Bamako.
Le coup d’Etat militaire de mars dernier a fait soudainement apparaître un Mali très différent de celui dont on soulignait souvent l’exemplarité. Comment le comprendre ?
Effectivement, le putsch du 22 mars 2012 a fait voler en éclats l'image de bon élève démocratique, du Mali «donor darling» des bailleurs de fond internationaux. Il y a quelque ironie à entendre des commentateurs qui vantaient il n'y a pas si longtemps la démocratie malienne s'exclamer tout à coup que le Mali du président Amadou Toumani Touré [ATT] n'était qu'une «démocratie de façade». Il est vrai que le Mali est passé à des institutions démocratiques en 1991 suite à un véritable mouvement populaire, et à des morts de manifestants dont on rappelle encore très souvent le martyre. Celui qui n'était alors qu'un lieutenant-colonel a contribué à la chute de Moussa Traoré, devenant le chef d'Etat de la transition, puis ne se présentant pas à la présidentielle de 1992. Si l'on rajoute qu'ATT, élu en 2002 et réélu en 2007, n'a pas, contrairement à d'autres, modifié la Constitution pour briguer un troisième mandat, on comprend qu'il y ait eu quelques bonnes raisons de souligner l'exemplarité du Mali.
Et même le caractère «démocratique» du régime ?
Sauf que la consistance d’une vie démocratique ne se mesure pas seulement à l’existence d’institutions démocratiques, d’élections concurrentielles ou de liberté de la presse. La transition de 1991 n’était pas à porter au seul crédit des manifestants : d’autres facteurs avaient jou