C’était plié, certain, couru d’avance, vous dis-je, et seuls des idiots utiles pouvaient ne pas le voir. «L’hiver islamiste succédera au "printemps arabe"», disait-on après les victoires électorales d’Ennahda en Tunisie et des Frères musulmans en Egypte. Jamais les barbus ne rendront le pouvoir, expliquaient bien des gens de droite et de gauche, et ce sera l’instauration de théocraties à l’iranienne.
Deux ans après l’avenue Bourguiba et la place Tahrir, il s’avère pourtant que les «idiots» ne l’étaient pas tant. En Egypte comme en Tunisie, les islamistes sont dans l’impasse, tellement incapables de faire face à la dégradation de l’économie, à la profondeur du mécontentement social et à la déception qu’ils ont suscitées, qu’ils cherchent à ouvrir leurs gouvernements à l’opposition laïque. En Egypte comme en Tunisie, l’opposition pose désormais ses conditions à des islamistes qui ont désespérément besoin d’elle. Elle ne peut pas plus les renverser qu’ils ne pourront, eux, longtemps continuer à gouverner seuls et, moins encore, organiser un coup d’Etat. On est très loin du précédent iranien. On est dans un blocage politique et la confusion d’une révolution qui n’en est qu’à ses débuts, mais comment tant de bons esprits ont-ils pu se tromper si lourdement ?
C’est tout simplement qu’ils étaient en retard d’une guerre - idéologique en l’occurrence. Comme d’autres, vingt ans plus tôt, allaient ânonnant que «le communisme ne pouvait pas se réformer» au lieu d’analyser les rapports de