Un écrivain serait arrivé avec un texte. Souleymane Cissé est cinéaste (Yeleen, Waati). Il est venu avec un film : un court métrage d'une quinzaine de minutes tourné à Bamako en 1999. Le portrait d'un homme qui vit dans une guitoune de fortune au milieu des immondices. Qu'est-ce qu'il fait là ? Comment arrive-t-il à vivre ? L'homme ne répond pas à ces curiosités. C'est un croyant, instruit du Coran, qui, tout en dévidant les grains de son chapelet, livre ses aphorismes sur le destin, la volonté de Dieu. Jusqu'à cette conviction sur le Mali : «C'est un pays qu'on ne pourra jamais abattre, sauf si on se trahit entre nous.»
Vous considérez que cette vision était prémonitoire ?
Cette question de la trahison fratricide est le problème majeur du Mali depuis plus de vingt ans. Il n’y a que les «experts» qui ont cru à la fable d’un pays démocratique exhibé comme modèle pour le continent africain. Il faut se demander qui a propagé cette fable, dans quel intérêt ? Depuis son indépendance, en 1960, le Mali n’a jamais été une démocratie. Mais la plus grande responsabilité de cette catastrophe nous incombe. Nous sommes tous coupables, la société civile comme les hommes politiques. Les intellectuels, les écrivains, les musiciens et cinéastes maliens - moi, le premier - doivent présenter leurs excuses à la nation pour avoir été incapable de prévoir et surtout d’empêcher la situation actuelle. C’est par nos faiblesses, nos incapacités, notre insouciance que nous en sommes arrivés là. Aujourd’hui plus que jamais, l’injustice es