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Libération
Reportage

A Gao, le docteur Souleyman a «refusé d’amputer»

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Durant neuf mois, la ville malienne libérée le 26 janvier a subi le joug jihadiste. Malgré sa résistance, la population a dû endurer l’application brutale de la charia.
La place de l’Indépendance, que les jihadistes avaient renommée la «place de la Charia». Des amputations y ont été pratiquées. (AFP)
publié le 5 février 2013 à 21h26

Ce matin-là, le docteur Souleyman (1) a refait délicatement le pansement de son patient, Issa al-Zouma, à l'hôpital central de Gao, dans le Nord du Mali. «Comment aurais-je pu imaginer, un jour, être confronté à un cas pareil ? dit-il d'une voix douce. Soigner le moignon de quelqu'un qui avait un membre viable…» Sous le joug des islamistes du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), neuf personnes ont été amputées à Gao au nom de la charia. Le 6 août, les bourreaux ont tranché au couteau la main droite et le pied gauche de cinq personnes à la suite. Des «coupeurs de route» (autrement dit des bandits), selon les islamistes. Quatre autres habitants ont été punis avant que l'intervention militaire française ne mette fin aux exactions. Eux n'ont plus de main droite.

Neuf mois, c'est le temps qu'aura duré le cauchemar à Gao. Une ville tout entière prise en otage par les jihadistes, sans assistance ou presque. Le docteur Souleyman n'oubliera sans doute jamais ce matin du 6 août, quand il a vu débarquer le commissaire de la police islamique. «Il m'a ordonné de le suivre pour faire les amputations, mais j'ai refusé», raconte cet homme à l'allure juvénile. Le commissaire a alors menacé de le tuer. «J'ai dit que je ne viendrai pas, je savais que je faisais face à mon destin en répondant cela, mais je ne pouvais pas», explique-t-il. Finalement, les hommes du Mujao se sont passés de ses services pour accomplir leur très cruel