«Toutes les choses ont une fin, seules les saucisses en ont deux.» Sur cette dernière «junckerinade», le Premier ministre luxembourgeois quittait avec «un peu de mélancolie», le 21 janvier, son poste de président de l'Eurogroupe. «Pas une vraie tristesse, mais une petite nostalgie», confesse-t-il de retour au Grand-Duché. Drôle et funèbre à la fois, Jean-Claude Juncker est un peu le Buster Keaton de la scène européenne. Aujourd'hui, pour la première fois depuis huit ans, il sèchera la réunion des grands argentiers de la zone euro réunis à Bruxelles.
Adieu les tripes nouées, la langue sept fois tournée pour ne pas affoler les marchés, ni rallumer le grand incendie où l'euro a failli laisser sa peau. Lui y a perdu des plumes et gagné des cheveux blancs. Le leader du Parti populaire chrétien social (CSV) a 58 ans, «mais tout le monde dit que je fais plus vieux». On a glosé sur sa fatigue et ça l'agace : «Rien que du 12 novembre au 12 décembre dernier, j'ai dû présider cinq Eurogroupes et deux téléconférences.» Quand une crise digne de celle de 1929 sévit depuis quatre ans, il a le droit d'être fourbu. Après trois mandats successifs, Juncker voulait dételer mi-2012. Mais ses pairs l'ont forcé à rester encore un peu : mer trop grosse pour changer de skipper. Et puis, qui mettre à la place ?
Aucun successeur ne faisait consensus. Au rez-de-chaussée d'un castelet Renaissance, le chef du gouvernement luxembourgeois occupe un bureau modeste,