Début 2012, le démographe Hervé Le Bras prévoyait, ainsi que plusieurs ONG et institutions internationales, une crise humanitaire majeure au Sahel. Tous les voyants étaient au rouge : absence de gouvernance, sécheresse, inflation du prix des céréales et démographie explosive. Il y a un an, le nord du Mali, région sahélienne, basculait dans le conflit qui a mené à l’intervention militaire de la France. La zone est d’autant plus à risque que la population de la bande sahélienne devrait tripler d’ici à 2050 pour atteindre 230 millions d’habitants. Hervé Le Bras décrypte les défis qui en découlent.
Ce boum démographique n’est-il pas commun à toute l’Afrique ?
Non, les pays du Sahel sont les seuls, non seulement en Afrique mais aussi dans le monde, à avoir gardé un taux de fécondité aussi élevé, entre 6 et 7 enfants par femme. Une démographie presque anachronique à notre époque. Un pays comme le Mali a un taux de 3 % de croissance démographique annuelle, un taux plus élevé que celui d’il y a vingt ou trente ans car la mortalité infantile a un peu reculé. Une femme donne naissance en moyenne à 6,5 enfants. Les chiffres sont les mêmes au Niger, au Burkina Faso, au Tchad ; un peu en deçà au Sénégal. Le taux de fécondité baisse à mesure qu’on approche du golfe de Guinée. Un taux de croissance de 3 % représente un doublement de la population tous les vingt-quatre ans.
Pourquoi la fécondité reste-t-elle si élevée ?
C’est une région sans gouvernance. L’état de guerre ou de zone grise renforce l’exploitation des femmes, car il faut revenir à ce qu’il y a de plus dur dans les traditions pour tenir