Dans les couloirs du palais de justice, immense bunker mussolinien au cœur de la vieille ville, leur rivalité de notoriété publique alimentait depuis des années toutes les conversations. Affaire de tempérament, mais aussi de politique pénale. L’un, Antonio Ingroia, procureur adjoint de Palerme, misait sur des accusations en rafale, parfois peu étayées, pour dévoiler au plus haut niveau les liens entre mafieux et politiciens. L’autre, Piero Grasso, procureur, tout aussi déterminé mais plus prudent, visait avant tout au résultat. Le premier a réussi, entre autres, à obtenir la condamnation en première instance du sénateur Marcello Dell’Utri, compagnon de la première heure et bras droit de Berlusconi. Le second a eu la peau de Salvatore Cuffaro, tout puissant président berlusconien de la région.
Aujourd'hui, ils sont rivaux en politique et, ce 9 février, ils étaient tous deux dans la capitale sicilienne pour un face-à-face organisé par le mouvement antiracket Addio pizzo. Désormais retraité, Piero Grasso est candidat en Toscane sur les listes du Parti démocrate. Antonio Ingroia avait, lui, juré de ne jamais se présenter pour un parti. «J'ai donc créé mon propre mouvement», explique le très médiatique magistrat, désormais en disponibilité. Rivoluzione civile, qui se situe à la gauche de la gauche et prône une lutte tous azimuts contre les corrompus, pourrait engranger jusqu'à 8% des suffrages dans l'île.
«Peur». L'entrée en politique