Il est rare que des livres écrits il y a cent cinquante ans deviennent soudainement, et qui plus est sous d'autres latitudes, d'une actualité vraiment brûlante. L'Ancien Régime et la Révolution, d'Alexis de Tocqueville, est pourtant devenu, au cours des trois derniers mois, un vrai best-seller en Chine. Cet ouvrage de 1856, dont il existe pléthore d'éditions chinoises, s'écoule par piles entières dans les librairies. Au cours du seul mois dernier, notait cette semaine un quotidien, des centaines de milliers d'exemplaires ont été vendus. «Tocqueville n'aurait jamais imaginé que notre très ancienne nation orientale se pâmerait d'admiration devant son livre», observe le célèbre hebdomadaire Nanfang. Cet extraordinaire phénomène d'édition tient au fait que beaucoup de Chinois considèrent, assez singulièrement, que Tocqueville offre une clé permettant de comprendre la Chine.
Catalyseur. Examinant les causes de la Révolution française de 1789 (que les Chinois appellent «la grande révolution»), il démontre que ce n'est pas la pauvreté qui a constitué son catalyseur car, paradoxalement, à l'aube de ce grand événement, jamais la France n'avait été aussi prospère (même si elle était corrompue et inégalitaire). Il établit aussi que la monarchie avait entamé des réformes et que, ce faisant, elle a précipité son renversement. «Le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est […] lorsqu'il commence à