Depuis dix jours, ils dorment sous des bâches en plastique, cuisinent sur des feux de camp et se relaient pour couper les routes. Dans toutes les régions productrices de Colombie, des dizaines de milliers de cultivateurs de café ont abandonné leur ferme pour exiger des aides du pouvoir. «On nous répète que nous faisons le meilleur café du monde, et nous avons faim», explique Jesús Guevara, porte-parole des manifestants du village de Quinchía, dans le centre du pays. Dans cette région historiquement liée à la culture du grain, des commerces affichent fermé par «solidarité», et des particuliers approvisionnent les protestataires en tentes, en vivres et même en bétail. Devant leurs abris de fortune, des prêtres, dépêchés par l'évêque local pour «soutenir la juste demande» des caféiculteurs, disent la messe entre deux réunions.
Dans les rassemblements, des pancartes résument le motif de la grogne : «On nous achète 49 000 pesos [environ 21 euros, ndlr] ce qui coûte 70 000 à produire. Il vous faut une calculatrice ?» Durant tout le siècle dernier, l'arabica et les autres variétés de café doux réputés ont pourtant représenté le premier produit d'exportation du pays, au point que les Colombiens sont toujours surnommés sur le continent les cafeteros. La puissante Fédération nationale des caféiculteurs a financé le développement de régions entières en édifiant écoles, routes, réseau électrique… «Nous avons même construit un pont