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De notre envoyé spécial

Mali : «Il ne me parlait que pour m’injurier quand il me battait»

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A Gao, pendant l’occupation, Hindou, 20 ans, a été mariée de force à un chef jihadiste, qui lui a fait vivre l’enfer.
Vue partielle de la ville de Gao, au Mali, le 23 février. (Photo Joel Saget. AFP)
publié le 7 mars 2013 à 20h46

C’est un pick-up Toyota couleur sable comme tous les autres avec des hommes barbus, en treillis, en armes, assis sur les ridelles. Comme tous les jours Hindou, l’aînée des filles Touré, 20 ans, son enfant de 3 ans, Kadia, fruit d’un premier mariage à l’âge de 13 ans dans les jambes, aide «la vieille» (sa mère) dans la cour, dont le relief bosselé a fixé le plan des deux maisons de boue séchée.

A l’intérieur, un miroir piqué accroché par une chaînette argentée à un clou de charpentier et une coiffeuse en formica à qui il manque le pied. Une vie de matelas à terre. A l’extérieur, un fait-tout culotté par la suie qui mijote sur trois pierres. Plus loin, la cadette des Touré, penchée, passe le riz au tamis.

Hindou reconnaît le type du pick-up. Depuis trois jours, il passe au ralenti. La dévisage, puis fait signe au chauffeur d'accélérer. Mais ce jour-là il descend et s'avance : «Où est le père ? Je veux marier cette fille», dit-il en arabe en direction de Hindou. Il est accompagné d'un jihadiste noir qui traduit en langue songhaï. On va chercher le père qui était «à son grain», un coin d'ombre où les hommes du quartier discutent. On appelle Hindou, tenue jusqu'à présent à l'écart. Son père lui dit alors : «Si tu veux que ton père reste en vie, il faut te marier avec cet homme.» Elle proteste : «Je ne le connais pas, il n'est pas d'ici. Et il ne parle pas songhaï, ni le français. Que l'arabe. Comment je vais parler avec lui ?» Elle ajoutera :