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Libération

Mohamed et Wilma

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publié le 8 mars 2013 à 20h06

Ils sont beaux. Vraiment beaux. En plus, entre cette belle fille radieuse et ce beau garçon souriant, il y a un rapport qui ouvre à peine les yeux dans les bras de la jeune femme. Ce bébé s’appelle Karin. Elle est l’enfant de Mohamed ben Bouchaïb son papa, et de Wilma Treppel, sa maman. Aujourd’hui, presque personne ne broncherait à la rencontre de ces deux patronymes. Mais le noir et blanc et la facture de ces deux portraits indiquent qu’ils ne sont pas d’aujourd’hui. Ils ont été pris en 1945 et 1946.

Mohamed est marocain ; Wilma, autrichienne. Ils se sont rencontrés à Bregenz, chef-lieu du Vorarlberg, à la pointe ouest de l'Autriche. Mohamed appartenait à un détachement de l'armée française qui occupait la région. Wilma était une fille du pays. La guerre vient de se finir. L'Autriche faisait partie du IIIe Reich. Il faut se dire, cependant, que si la guerre n'avait pas eu lieu, jamais Mohamed n'aurait rencontré Wilma, jamais Wilma n'aurait imaginé Mohamed. Sympathique revanche, quand on sait dans quelle estime l'idéologie raciste des «surhommes» tenait tout ce qui n'était pas un bon Aryen. Karin, l'enfant de l'amour contre la guerre.

Sauf qu'à lire aujourd'hui le récit de Karin (Libération du 4 mars), devenue une dame d'une soixantaine d'années, le poison l'emporte sur l'eau de rose. Les habitants de Bregenz ne sont pas en retard pour murmurer sur le passage de Mohamed, que les parents de Wilma surnommaient, eux, Mimi, et gronder sur son union «contre-nat