Surgie du pays profond, une marée de dizaines de milliers de plaignants déferle toute l’année sur Pékin dans l’espoir d’être entendue des puissants. On trouve ces infortunés dans un périmètre délimité par la gare du Sud, une station moderne de bus longue distance, et un canal qui servait naguère de douves à la muraille de la ville.
Ils marchent comme des ombres dans l’air terni par la pollution, par groupes d’une trentaine de personnes, bardés de leurs doléances inscrites parfois jusque sur leurs vêtements. Certains brandissent leurs revendications calligraphiées sur des pancartes qu’ils s’accrochent au cou. Les vêtements souvent usés jusqu’à la corde, parfois munis de béquilles ou en chaise roulante, ils transportent des sacs remplis de suppliques imprimées ou écrites à la main et d’archives cent fois photocopiées documentant leurs griefs.
«On n'a plus rien à perdre, et on ne craint pas la mort», lance l'un de ces Indignés, le sourire édenté. Il grappille de quoi survivre en vendant sur le trottoir des exemplaires d'un «recueil de chansons des pétitionnaires». L'une de ces complaintes dit : «A la pleine lune, nous entrons dans Pékin, dans l'espoir que des mandarins intègres nous rendront justice, pour n'apprendre que bien plus tard que tout cela n'était qu'un rêve.»
La vague grossit lors des grandes occasions, quand le Parti communiste se réunit en congrès ou, comme en ce moment, quand se tient dans la capitale la session annuelle de l’Assemblée nati