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TRIBUNE

Salaires abusifs : les Suisses ont raison

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par Pierre-Yves Néron, Maître de conférences en éthique économique et sociale, université catholique de Lille
publié le 13 mars 2013 à 19h06

La semaine dernière, les Suisses ont plébiscité une mesure visant à limiter les «rémunérations abusives» des patrons de sociétés suisses cotées dans le pays ou à l'étranger. Les inégalités croissantes entre les patrons et les salariés sont injustes. Il est tout à fait légitime pour les communautés démocratiques de lutter contre les salaires abusifs des patrons.

Bien sûr, les partisans des hauts salaires nous disent que c’est une question de mérite. Après tout, les patrons travaillent beaucoup et assument d’importantes responsabilités.

Mais à cela on peut répliquer que les succès (et les insuccès) de projets économiques sont dus en grande partie à des facteurs échappant au contrôle d’individus isolés. Nous vivons dans des systèmes complexes de coopération sociale et d’interdépendance. Certains en tirent plus profit que d’autres, mais ils ne peuvent revendiquer tout le mérite de leur succès. Les défenseurs des salaires élevés des patrons font la part trop belle à la figure du self-made-man.

Et, ne l’oublions pas, les entreprises sont elles-mêmes des projets collaboratifs compliqués au sein desquels il est difficile de déterminer la part de mérite de tous et de chacun. Comment peut-on estimer qu’un patron mérite 301 ou 359 fois plus que le salarié moyen (comme c’est le cas aux Etats-Unis) ?

Les économistes ont souvent mis de côté ces difficultés liées au mérite. Pour eux, les rémunérations élevées servent à attirer, retenir et motiver les plus talentueux dans le marché des