Il est en Argentine une question terrible qu’on ne peut s’empêcher de poser dès que l’on a affaire à une personne d’un certain âge occupant un poste à responsabilité : celle de savoir où elle était et ce qu’elle faisait durant les années de plomb, pas si lointaines, de la dernière dictature militaire (1976-1983). Une période sombre qui a laissé un pays traumatisé avec sa cohorte de disparus et d’enfants volés. Dans les rues de Buenos Aires, les drapeaux s’agitaient encore pour célébrer l’élection d’un pape argentin aussi bruyamment qu’une victoire lors d’un mondial de foot lorsque cette question a commencé à sourdre.
Le rôle de l’Eglise durant la dictature est en effet loin d’être limpide : la hiérarchie catholique argentine a souvent collaboré avec la junte. Des prêtres assistaient aux séances d’«interrogatoire» des prisonniers pour précipiter les aveux, ou confessaient et donnaient l’absolution aux tortionnaires pris de crise de conscience.
L'aumônier de la police de Buenos Aires, Christian Von Wernich, a ainsi été condamné en 2007 à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir participé à des crimes contre l'humanité. Un officier de police relate qu'après avoir assassiné trois opposants en leur injectant du poison dans le cœur, Von Wernich lui avait dit que «ce que nous avions fait était nécessaire, qu'il s'agissait d'un acte patriotique et que Dieu savait que c'était pour le bien du pays». D'autres prêtres bénissaient les avions qui servaient à faire disparaîtr