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TRIBUNE

«Argo» : l’Iran d’une propagande à l’autre

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par Chowra Makaremi, Anthropologue, chargée de recherches au CNRS
publié le 26 mars 2013 à 19h06

En février, la République islamique fêtait le 34e anniversaire de la révolution iranienne de 1979, tandis que les Etats-Unis célébraient leur propre vision des événements : Michelle Obama remettait l'oscar du meilleur film à Argo de Ben Affleck. Le long métrage met en scène la prise d'otages de l'ambassade américaine en 1979, tandis que, dans les rues de Téhéran, une foule fanatique, hommes à barbe et femmes en tchador, porte Khomeiny à la tête d'un régime islamique. Or l'ironie est que cette histoire de la révolution, clairement hostile à la République islamique, ne fait que renforcer le mythe que ce régime se donne de sa propre naissance.

Premièrement, la révolution iranienne, dans sa phase insurrectionnelle, de 1978 et 1979, a été largement dirigée par la classe moyenne et les étudiants regroupés en diverses organisations de gauche. Des historiens comme Ervand Abrahamian (Columbia University, New York) ou Amir Arjomand (Stony Brook University New York) ont montré comment l’incapacité de la gauche et de la classe moyenne à traduire cette victoire insurrectionnelle en ressource et en victoire politiques ont signé la transformation de la révolution iranienne en une république islamique, à travers toute une phase de stabilisation institutionnelle et de jeux politiques dominés par Khomeiny. Le renversement de l’ancien régime du chah, soulignent ces auteurs, a préexisté au projet d’un islam politique : celui-ci n’était en aucun cas la cause de la révolution,