Elle a longtemps eu l'image de l'opposante parfaite, parangon des vertus démocratiques, aussi élégante qu'intelligente, opposant sa frêle personne avec un courage obstiné à la brutalité d'une junte militaire honnie par la communauté internationale. Aung San Suu Kyi incarnait une version épurée du juste combat pour une cause à laquelle on ne pouvait qu'adhérer. Depuis son élection au Parlement en avril 2012 toutefois, cette image s'est brouillée, au point que nombre de ses anciens admirateurs figurent parmi ses critiques les plus acerbes. «Elle pense qu'elle sait tout et qu'elle peut tout. Elle est devenue cynique», indique un de ses anciens partisans. Longtemps assignée à résidence, puis fêtée par toutes les huiles de la planète à sa libération, Aung San Suu Kyi semble de fait, affirment plusieurs personnes qui la fréquentent, avoir acquis une très haute opinion d'elle-même.
Mais ce qui lui est reproché est surtout une dérive par rapport aux principes moraux qu'elle a prêchés durant plus de deux décennies. Le doute a commencé en juin, lorsque l'ouest de la Birmanie a été secoué par de meurtrières violences intercommunautaires entre Rakhines bouddhistes et Rohingyas musulmans (lire ci-contre). La «dame de Rangoun» n'a pas pipé mot, si ce n'est pour dire qu'il fallait régler le problème «dans le cadre de l'Etat de droit». Les Rohingyas, auxquels les autorités birmanes refusent la nationalité malgré le fait qu'ils résident sur le sol birman souvent dep