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Libération
Reportage

En Arménie, le salut par l’exil

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Faute d’emplois, les hommes travaillent la majeure partie de l’année en Russie. Un exode vital pour les familles mais qui prive le pays de toute perspective de développement.
publié le 26 mars 2013 à 20h36

Dans la rue principale d'Eranos, un village arménien des bords du lac de Sevan qui scintille sous le froid soleil printanier, des hommes désœuvrés tiennent des conciliabules à chaque carrefour. Ils ne sont pas pressés. Ils sont en «vacances». Dans quelques jours, ils quitteront leur village d'Arménie pour reprendre la route des grandes villes de Russie : Saratov, Tcheliabinsk, Volgograd, Moscou ou Krasnodar. C'est là qu'ils travaillent, huit, dix mois dans l'année. Parce qu'à Eranos, comme dans les autres villages de cette partie caillouteuse de l'Arménie, il n'y a pas de travail.

Samver, 50 ans, le visage profondément ridé, sourit en découvrant ses dents en or et plisse des yeux bleus presque transparents sous sa casquette noire. Comme la plupart des hommes ici, il est vêtu d'un blouson en cuir rude, avec un col en fausse fourrure. «Moi, ça fait vingt ans que je fais des allers-retours. Depuis que l'usine a fermé, il n'y a rien à faire ici», explique-t-il dans un mauvais russe. Pour pouvoir envoyer 500-600 euros par mois à sa famille, Samver s'envole tous les ans dans une des villes de Russie où on lui propose du travail. Son fils aîné, qui a 30 ans, fait pareil. Comme presque tous les hommes en âge de travailler de ce village de 5 000 habitants.

«La vie en Russie n'est pas rose»

Dans la bourgade, entre la mairie, les écoles, l'infirmerie et les commerces, il y a 300 emplois, tout au plus. Le salaire moyen varie entre 93 euros pour une infirmière et 150