Lorsque, voici tout juste dix ans, le général Bozizé chassa du pouvoir en Centrafrique un bouffon tyrannique et kleptomane (Ange-Félix Patassé), le monde civilisé (Paris, Bruxelles, etc.) lui fit les gros yeux. C'est pas bien, lui dit-on. Faut pas faire ça. Les putschs, les coups d'Etat, les pronunciamientos, c'est fini. Maintenant, on vit à l'époque de la démocratie. On ne vous adressera donc la parole que lorsque vous aurez organisé des élections pluralistes et transparentes.
Bien que ce genre de consultation soit assez difficile à organiser dans un pays que son prédécesseur avait laissé sans administration (les arriérés de salaire étaient de l'ordre de trois années pleines !), le brave général obéit aux consignes des grands chefs blancs et fit voter non seulement, comme le suggérait l'écrivain (ivoirien) Ahmadou Kourouma, «les bêtes sauvages», mais le plus grand nombre possible de citoyens.
Une fois démocratiquement élu, le président Bozizé continua à faire au mieux pour prouver à ses tuteurs européens ses bonnes dispositions. Il fit entrer dans ses gouvernements successifs les membres des (nombreuses) familles de ceux qui l’avaient précédé : Dacko, Bokassa, Kolingba. Il offrit des fauteuils et des strapontins ministériels à nombre de ses opposants, tel le comploteur professionnel Jean-Jacques Demafouth.
Stoïque, il assista à d’innombrables trahisons, fit semblant de ne pas entendre d’innombrables insultes. Bref, il dirigea tant bien que mal ce pauvre pays