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Enquête

Révolution culturelle Une mère sur la conscience

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En 1970, le jeune garde rouge Zhang Hongbing a condamné sa mère à mort en la dénonçant comme «contre-révolutionnaire». Rongé par le remords, il agite aujourd’hui les fantômes et démons d’une époque qui embarrasse la Chine.
publié le 26 avril 2013 à 19h06

Pendant de longues années, Zhang Hongbing est resté persuadé qu'il avait eu raison, en 1970, alors qu'il avait 15 ans, de dénoncer sa mère comme «contre-révolutionnaire» et d'avoir exigé - et obtenu - son exécution. C'est beaucoup plus tard, à l'âge adulte, qu'il a commencé à prendre la mesure du poids inouï qu'il avait à jamais placé sur sa conscience. Le voilà aujourd'hui devenu avocat, petits yeux ardents derrière ses lunettes, quarante-trois ans après les faits, qui nous emmène à Guzhen, ville perdue du fin fond de l'Anhui (une province de l'Est), sur la tombe de sa mère. Dans son costume sombre, piètrement prostré face contre terre devant la pierre tombale qu'il a lui-même fait placer devant le tumulus, il déclame un énième et douloureux acte de contrition. «Je suis un immonde personnage, proclame Zhang, dépourvu de la moindre parcelle d'humanité. Même un animal n'aurait pas fait ce que j'ai fait.»

La sépulture est coincée entre un tas d'immondices, un canal clapotant, une cabane en briques au toit recouvert de plastique et les murs sales d'un marchand de matériaux de menuiserie. «A l'époque, il n'y avait rien que des champs ici», observe Zhang. La zone rurale a été conquise par une laide friche urbaine. A deux pas de là, le talus où sa mère, Fang Zhongmou, a été exécutée en public par un peloton de soldats est aujourd'hui encombré par un tas de ferraille.

Pour préserver la tombe menacée par les promoteurs, Zhang a acquis le terrain. Il souhaite