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Libération

La frétillante diversion du fait divers

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publié le 13 mai 2013 à 19h06

Cleveland, «le diabolique», «les séquestrées», «l'horreur», tout ça… Un chauffeur de bus au chômage fait disparaître trois jeunes femmes. Il les sadise, les viole, les engrosse et les tient au secret dans une maison blanche aux volets tirés. L'une d'elle s'échappe, raconte… Et aussitôt, le gaz sarin se dissipe en Syrie, le poids de la dette s'allège à Bercy, les mauvaises façons de Claude Guéant prennent le goût de pipi de chat. Et aussitôt, la mythologie sonne le tocsin du tragique, la nature humaine réclame sa dose d'archaïsmes et la réprobation mondiale veut son comptant de tranches de vie bien saignantes, au risque de la fascination, du fantasme. Ou de la gaudriole…

Faire diversion. Oui, oui, c'est vrai, le fait divers fait diversion et éloigne des «vrais» problèmes du moment. L'ennui, c'est que pour exister la «vérité» de la situation exige incarnation. Il lui faut des visages, des figures, des histoires. Pour valider l'idée de fraude fiscale des puissants, il faut un ministre du Budget socialiste avec un compte en Suisse. Pour croire à la disparition du travail, il faut des immolés par le feu devant Pôle Emploi. Pour scander la fin de l'industrie en France, il faut les larmes d'Edouard Martin, le délégué CFDT de Florange. L'ennui, c'est que l'économique n'excite pas longtemps les pulsions les plus classiques. Pour que prospère le divertissement généralisé, il faut du sexe et de la violence. Il faut des pulsions connues depu