«En politique, on a tout essayé : les hommes, les femmes, tous nous ont déçus. Alors, pourquoi pas des eunuques ?» Bindiya Rana, leader des eunuques du Sind (sud du Pakistan), s'est présentée pour la première fois, samedi, aux élections législatives. Cette candidate indépendante sourit en écoutant le raisonnement cru de l'un de ses supporteurs, dans cette circonscription de Karachi. Celui-ci poursuit : «Ils n'ont pas d'enfants, pas d'intérêts familiaux, ils travailleront pour leur pays, pas comme ce député qui a détourné de l'argent pour se faire construire une villa.»
Crucial pour la consolidation de la démocratie et historique en termes de forte participation, ce scrutin a représenté une petite révolution pour les eunuques dans la République islamique. Pour la première fois, cinq d'entre eux (deux autres ont jeté l'éponge) se sont présentés, essentiellement au niveau provincial. Aucun n'a été élu, mais leur démarche inédite a permis de sensibiliser leurs concitoyens. Car, jusqu'à récemment, cette communauté représentant 800 000 personnes (transgenres, transsexuels, hermaphrodites) était surtout réduite à vivre de la mendicité ou de la prostitution, et soumise au harcèlement de la police. En 2011, la Cour suprême a imposé que leurs droits soient respectés (héritage, emplois réservés, poursuites contre les violences policières) et qu'ils puissent obtenir une carte d'identité du «troisième sexe» ainsi que le droit de voter en tant que tel.
Bindiya Ran