Avec ses maisons posées n'importe comment et ses usines plantées au milieu des champs, Lustenau, 20 000 habitants, a un petit air maussade de contrée désindustrialisée. Durant plus de deux siècles, ce bourg du Vorarlberg, minuscule Land des confins de l'Autriche, fut le cœur d'une industrie fort prisée des Autrichiens : la broderie. Au crochet, puis sur des étoffes dès le milieu du XVIIIe siècle et l'invention de machines permettant d'exécuter des motifs sur tissu. On brodait pour décorer les intérieurs, pour s'habiller les jours de fête. Au début des années 80, le textile représentait pas moins de 50% de la production industrielle du Land. Puis vint le déclin : le marché des costumes traditionnels autrichiens s'est tari tandis que celui du prêt-à-porter s'est tourné vers les tissus chinois, qui déferlent dès lors à bas prix. Les usines ferment les unes après les autres, le textile du Vorarlberg semble condamné. Pourtant, une trentaine d'entreprises survivent, sauvées par un petit miracle nommé Nigeria : Lustenau est devenu l'atelier de couture des nouveaux riches de Lagos.
En pleine guerre du Biafra
«Main-d'œuvre trop chère, manque de compétitivité… On allait crever la bouche ouverte, il fallait qu'on trouve une solution », se souvient Josef Blaser, bientôt 70 ans. Commercial pour plusieurs entreprises de Lustenau, c'est lui qui a eu l'idée, en 1967, de se tourner vers le marché africain. «On fournissait de plus en plus difficilement les marchés européens. Mais il se trouve qu'