Leurs photos en noir et blanc défilent sur l’écran. Iara Iavelberg, morte en 1971. Ieda Delgado, disparue en 1974. Il y a aussi Lola, Carmen, Catarina… Cinquante femmes qui ont lutté contre la dictature militaire au Brésil, entre 1964 et 1985, et l’ont payé de leur vie. La Commission nationale de vérité (CNV), chargée de faire la lumière sur les exactions commises pendant les années de plomb, tient ici, à l’assemblée de l’Etat de São Paulo, une audience publique pour leur rendre hommage et donner la parole aux survivantes.
Cheveux courts et dégaine d'ado, Maria Amélia Teles, 68 ans, se lève. Ancienne prisonnière politique, elle témoigne des violences sexuelles dont elle et d'autres ont été victimes : «Encore aujourd'hui, j'ai du mal à en parler. Le jour de mon arrestation, ils ont aussi embarqué mes enfants de 4 et 5 ans. Ils les ont fait entrer dans la salle de torture… J'ai reçu des chocs électriques sur les mamelons, dans le vagin, dans l'anus. Devant eux.» Une autre survivante lui caresse l'épaule. La salle est pleine.
Amanda, une jolie brune, étudiante en anthropologie, prend minutieusement des notes dans un grand cahier. Elle prépare une thèse sur le deuil des victimes de la dictature. Amanda ne manque pas une audience de la commission : «C'est un processus pédagogique. A l'école, on ne nous parle presque pas de la dictature.» Depuis l'installation de la CNV, il y a un an, la parole se libère au Brésil. Plus d'un quart de siècle après la fin de ce qu'on