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Libération
EDITORIAL

Despotisme

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publié le 9 juin 2013 à 22h22

Les leaders historiques qui croient commander à l'histoire tombent souvent sur une question triviale, rappelait The Economist : la poll tax pour Mme Thatcher, la réforme du Sénat pour de Gaulle. Le parc Gezi qu'Erdogan voulait bétonner pourrait ainsi devenir le cimetière du Premier ministre de l'AKP. Depuis une semaine, la société civile turque se rebelle. Rien n'y fait. La répression, souvent féroce, nourrit au contraire la révolte. Erdogan continue de traiter les manifestants de «vandales et de jean-foutre» et ne veut céder un pouce. Il a raison de rappeler qu'en dix ans au pouvoir, lui et l'AKP ont été élus, puis réélus régulièrement, et que son parti représente la moitié du peuple turc. Son pays a connu une croissance remarquable, il a remis les militaires dans les casernes, et la Turquie est redevenue une puissance indépassée depuis l'Empire ottoman. Mais, les manifestants ne se révoltent pas contre un pouvoir illégitime ou corrompu comme au temps du printemps arabe. Ils rejettent les fondements même du mode de gouvernement d'Erdogan, dénonçant tout autant son autoritarisme que sa volonté d'islamisation de la société. Le pays a ainsi plus de journalistes emprisonnés que la Chine et les médias officiels ne couvrent quasiment pas les manifestations. Quant aux questions du voile ou de la limitation des ventes d'alcool, elles sont devenues le symbole d'une forme de despotisme aux antipodes d'une société ouverte sur le monde. Comme si Er