L’islamisme a une longue histoire qui se joue désormais dans la crise turque. A ses débuts, dans l’Egypte des années 20, l’islamisme fut un mouvement non violent, fondé par un très pieux instituteur dont l’objectif était de lutter contre la laïcité européenne et l’imitation de l’Occident. Son idée était qu’aucune des idéologies européennes, ni de gauche ni de droite, ne permettrait à l’islam de retrouver sa grandeur perdue et que la renaissance du monde arabe passait par un retour à son identité religieuse. Il fallait, en un mot, opposer à l’Occident la réaffirmation d’une religion cimentant l’unité des croyants dans un panarabisme dont les seules frontières seraient celles de la vraie foi.
Cette ambition eut un tel succès que, partis de rien, les Frères musulmans égyptiens comptaient plus de 200 000 militants à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Leur influence s’était étendue à tout le Proche-Orient. Ils étaient devenus la plus cohérente des forces politiques panarabes mais leur progression avait été si rapide, et les attentes qu’ils avaient suscitées si grandes, que leur programme initial ne suffisait plus à la puissante internationale qu’ils étaient devenus.
Fallait-il s’allier avec les Etats-Unis contre le communisme ? Fallait-il continuer à rejeter la violence contre les Etats laïcs issus de la décolonisation et qui les combattaient après avoir échoué à les intégrer ? Fallait-il brandir l’exigence démocratique contre ces dictatures, ou continuer à rejeter la démocratie