Et si la prochaine victime de la loi russe sur les «agents de l'étranger» n'était pas une ONG, mais un institut de sondage ? L'hypothèse n'est pas pure spéculation car, cette fois, c'est le Centre Levada qui est dans le collimateur de la justice russe. Cet institut, pionnier de la sociologie, une discipline quasi interdite à l'époque soviétique, n'est pas au cœur de la nouvelle dissidence. Et pourtant, il vient de se voir adresser un avertissement fort inquiétant du parquet de Moscou, qui croit percevoir dans son activité un caractère «politique». La justice estime qu'en publiant ses sondages, le Centre Levada «forge l'opinion publique à l'égard de la politique menée par le gouvernement russe».
Ce n'est pas la première fois que le régime de Vladimir Poutine tente de régler son compte à la sociologie. L'ancêtre du Centre Levada, le VTSIOM, fondé à la fin des années 80 par le sociologue Iouri Levada, fut repris en main en 2003. Mais une fois son conseil d'administration remodelé et l'activité plus contrôlée, la majeure partie des sociologues, Levada en tête, décidèrent de démissionner du VTSIOM et de créer une nouvelle agence. Aujourd'hui, l'institut, qui publie des études couvrant toutes les sphères de la vie publique, paie probablement le prix de ses nombreux sondages relatifs à la politique russe, aux conclusions parfois déplaisantes pour le pouvoir. «Etes-vous d'accord avec l'idée selon laquelle Russie unie [la formation de Poutine, ndlr] est le "parti