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TRIBUNE

«L'esprit de Gezi» souffle à Istanbul

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De retour de Turquie, une auteure franco-turque témoigne.
par Sedef Ecer, auteure dramatique, metteure en scène et scénariste franco-turque
publié le 13 juin 2013 à 19h56
(mis à jour le 13 juin 2013 à 19h59)

Je rentre d’Istanbul. Si je n’y étais pas allée, je n’aurais pas compris. Je n’aurais pas ressenti «l’esprit de Gezi» si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux, en dépit des milliers de photos et de vidéos que j’épie obsessionnellement sur Facebook et Twitter depuis le 30 mai.

Ce parc abrite des milliers «d’habitants» depuis quinze jours. On y trouve bien évidemment des tentes, mais aussi une infirmerie, une longue table où des volontaires distribuent gratuitement de la nourriture, des ateliers artistiques, une bibliothèque, un forum pour discuter de choses et d’autres (j’ai vu un cours de mathématiques et une discussion sur l’urbanisme). Des jeunes nettoient, briquent, trient les poubelles en permanence, puis rentrent chez eux pour se laver et dormir pendant que d’autres prennent la place. On y accueille un professeur qui est venu pour faire réviser ses élèves, on y joue au volley, on y réveille le voisin pour qu’il ne loupe pas son examen, on se prête des livres, on y fait du yoga et de la musique. Une fille voilée boit de l’eau dans la bouteille d’une transsexuelle, une fan de Justin Bieber danse sur un chant kurde, des supporters d’équipes de foot ennemis échangent des maillots. Quand le gouvernement coupe la 3G, ce sont les commerçants qui leur donnent leur code wifi pour qu’ils puissent continuer de twitter.

Des «Clark Kent» devenus «Superman» en une nuit

La plupart de ces jeunes ne s’était jamais intéressé à la politique, n’avait jamais scandé un slogan. Ils ont appris en une nuit comment se protéger des blindés, c