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TRIBUNE

Taksim : la Turquie polarisée

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par Nora Seni, Professeure à l'Institut français de Géopolitique, Université Paris-VIII, ancienne directrice de l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul (jusqu'en septembre 2012)
publié le 17 juin 2013 à 19h06

«Nous voulons faire beaucoup plus pour notre peuple mais nous sommes entravés par cette chose qu'ils ont inventée et qu'ils appellent la séparation des pouvoirs.» Ce sont là les propos de Recep Tayyip Erdogan, tenus voici quelques mois, à Konya, en Anatolie centrale, berceau des «tigres anatoliens», ces hommes d'affaires conservateurs. Bien qu'il ne se soit pas vraiment laissé encombrer par cette règle fondamentale de la démocratie, c'est la première fois que le Premier ministre turc avouait publiquement le peu de cas qu'il fait du principe de la séparation des pouvoirs. La question que l'on serait tenté alors de poser est la suivante : comment l'annonce de la destruction d'un petit parc d'Istanbul peut-elle entraîner des protestations aussi déterminées dans un pays où le Premier ministre se permet de remettre en cause sans ambages le principe-clé de la démocratie parlementaire sans que cela suscite un tremblement de terre politique ou médiatique.

Il faut en rechercher l’explication du côté de la polarisation de la société turque et du sens que revêt la place Taksim, ce lieu de mémoires, millefeuille de symboles au cœur de la ville.

La polarisation, stratégie d'Erdogan. Etait-ce une fatalité que l'AKP, parti de Tayyip Erdogan, s'appliquât à élaborer du «nous» et du «eux», à partir du moment où il prenait les rênes du gouvernement turc ? Etait-il contraint de produire des représentations aptes à cliver la société entre séculiers et