La nuit du 15 juin 2013 restera dans l’histoire de la Turquie comme le moment d’un basculement tragique, quand les forces de police ont fait preuve d’une violence déchaînée contre les nombreux manifestants pacifiques d’Istanbul.
Aux scènes désormais habituelles de nuages de gaz lacrymogènes, de centaines de blessés et de nombreuses arrestations, s’ajoutent maintenant des violations des droits de l’homme qui ne seraient pas tolérées en état de guerre : le bombardement de gaz dans des espaces fermés, jusque dans les appartements privés et les hôtels touristiques, des hôpitaux pris d’assaut, des centres médicaux mobiles attaqués, des blessés et des médecins arrêtés, des journalistes harcelés, de nombreux cas de brûlures de peau signalés à la suite de l’emploi de substances chimiques dans des canons à eau.
En plus de cette violence d’Etat, massive et systématique, les manifestations pacifiques sont sous la menace des partisans de l’AKP, le parti au pouvoir, prêts au combat de rue, instaurant une ambiance de guerre civile dans les quartiers les plus centraux d’Istanbul. Pourtant, depuis plus de vingt jours, le parc Gezi témoignait d’une expérience singulière de démocratie, où la société civile était présente dans toute sa variété : ainsi, les organisations d’architectes et d’urbanistes qui s’opposaient dès le début à la politique urbaine dévastatrice du Premier ministre Erdogan et du maire d’Istanbul ont côtoyé les associations d’étudiants ou de féministes, tout comme les habitants