Le terminus est en vue. Au pied des collines qui viennent mourir dans la mer, le port d’Iwaïshima a des allures de bout du monde. C’est là, sur ce confetti d’île baigné par la mer de Seto, dans le sud du Japon, que tout commence et que tout s’achève. Le retour à la terre comme l’adieu au village. Les retrouvailles et les au revoir. Les fêtes et les défaites. Les victoires et les déboires. Les joies et les peines.
Ce lundi, c’est jour de peine. Une habitante de l’île est décédée, de vieillesse. Alors, aujourd’hui, Iwaïshima va vivre au ralenti. La traditionnelle manifestation du lundi a été annulée. Pas de calicots déployés, pas de poings levés ni de slogans clamés. Les 470 habitants de cette île paisible n’oublient pas pour autant leur mobilisation, leur combat. Un deuil n’aura pas raison de trente ans de lutte contre l’installation d’une centrale nucléaire à moins de quatre kilomètres du port d’Iwaïshima.
Dans la magnifique baie de Tanoura, une succession de côtes rocheuses et de criques sauvages aux eaux translucides, la compagnie électrique Chugoku a entrepris depuis 1982 de bâtir deux réacteurs avec le soutien des élus de Kaminoseki, dont dépend Iwaïshima. Au fil des ans, le projet est devenu une aventure épique, un bras de fer emblématique. D'un côté, le géant Chugoku prétend «promouvoir le développement de l'île» et encourager l'indépendance énergétique du pays. De l'autre, les irréductibles villageois antinucléaires bannissent un chantier synonyme à leurs yeux