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Libération
Interview

«Les citadins se pensent supérieurs aux paysans»

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Zhang Yinghong, politologue, analyse la discrimination envers les ruraux :
publié le 2 juillet 2013 à 20h06

Zhang Yinghong, politologue et chercheur d’un institut d’agriculture de Pékin, est auteur de plusieurs ouvrages sur la condition paysanne. Lui-même originaire d’une campagne de la province méridionale du Hunan, il compare la discrimination que subissent les ruraux chinois au système de l’apartheid en Afrique du Sud.

N’est-il pas provocateur de comparer la situation des paysans chinois à celle des Noirs à l’époque de l’apartheid ?

Le racisme tel qu’on le connaissait en Afrique du Sud n’existe pas en Chine mais, sous de très nombreux points de vue, la situation est très similaire. Les citoyens chinois ne sont pas tous égaux, car les ruraux n’ont pas les mêmes droits que les citadins. Ce sont des citoyens de deuxième classe. Cette discrimination est tout d’abord identitaire, car les citadins se considèrent intrinsèquement supérieurs aux «paysans».

C'est le système du hukou [certificat d'état civil et autorisation de résidence, ndlr], introduit en 1958, qui a institutionnalisé cette discrimination. Elle touche de nombreux domaines : le travail, le foncier, la liberté de déplacement, l'éducation. Par exemple, pour entrer à l'université de Pékin, un rural doit obtenir à l'examen un score de points considérablement plus élevé qu'un citadin. En cas de mort accidentelle dans une mine ou une collision de trains, le barème accorde à un rural une indemnité pouvant être dix fois moins élevée que pour un citadin.

La politique d’éducation nationale favorise-t-elle les citadins ?

Oui, et de manière significative. L’école n’est gratuite qu’en ville, pas à la campagne. Cela ne fait que depuis cinq ans que l’Etat a commencé à subventionner en partie les établissemen