Le Mali est un théâtre d’ombres. Pour comprendre ce qui se joue en ce moment et ce qui s’est joué, il n’est pas nécessaire d’avoir accès à la salle du chiffre et aux dépêches diplomatiques. Il faut pousser la porte du cabinet du magistrat Mohamed Dicko, 56 ans, procureur au tribunal d’instance de la commune III de Bamako.
Cet homme reçoit au moment où le soleil finit sa journée et c'est dans le silence des affaires courantes expédiées que s'épanouit une intelligence courageuse. «Sur l'Etat de mon pays, je m'exprime comme citoyen et aussi comme procureur», dit-il d'une voix modeste. Le Mali ? «Un pays à l'agonie que la France croyait en bonne santé. On en a vu des gens importants se déplacer ici pour vanter la bonne santé de la démocratie malienne.» L'histoire de Mohamed Dicko, fils d'éleveurs peuls du cercle [la région, ndlr] de Gao, c'est celle d'un serviteur de l'Etat. L'histoire d'un homme instruit par l'école de la République malienne, fait pour commander mais qui a accepté de servir le bien commun. Cette vie de bureau, longtemps passée dans les cabinets ministériels, ne lui a pas du tout arrondi le dos. Il mesure 1,92 m et sa démarche est bien droite.
Aujourd'hui que l'Etat s'est effondré, que l'administration dans son ensemble, y compris judiciaire, est totalement abîmée, Mohamed Dicko rappelle que le Mali, malgré son affaiblissement, n'entend rien céder de ses droits : «Quand François Hollande fixe lui-même la date des élections présidenti