Khattar Abou Diab est consultant en géopolitique et professeur à l’université Paris-Sud.
Le renversement de Mohamed Morsi est-il un coup d’Etat ?
Je préfère parler de coup de force. C’est certes un coup d’Etat, mais pas exécuté de façon classique. En quelque sorte, il traduit l’acte II de la révolution égyptienne. Cela nous fait penser au cycle de la Révolution française, et c’est loin d’être fini. Ce conflit ouvert entre islamistes et non-islamistes a été la meilleure façon de détruire une période transitoire. Ce qui a rassemblé une large partie de la société contre les Frères musulmans, c’est leur incompétence et leur tentative de monopoliser l’Etat, de le transformer en Etat-parti. D’un côté, le manque d’ouverture des Frères, leur volonté hégémonique ; de l’autre, le durcissement de l’opposition libérale qui craignait d’être effacée, la résistance de l’Eglise copte, d’Al-Azhar qui entend protéger sa place de grande institution religieuse, et de «l’Etat profond». Ces éléments ont contribué à l’avènement de cet acte II.
Ce coup d’Etat, l’armée l’avait-elle en tête dès la prise du pouvoir par Morsi ?
Sans doute face à des Frères musulmans sûrs d'eux-mêmes, et rassuré par le soutien américain, le haut commandement égyptien préparait-il sa revanche. Car cette armée, Morsi l'avait fait sortir par la petite porte [de l'arène politique, ndlr] en août 2012 suite à une attaque perpétrée par des jihadistes dans le Sinaï qui n'a pas été complètement élucidée. Entre le 25 et le 28 janvier 2011, nous avons la grande révolution égyptienne avec des démonstrations de masse, des foules pacifiques. A partir du 28, les