Spécialiste de l’Egypte, Sophie Pommier dirige Méroé, un cabinet de conseil sur le monde arabe et enseigne à Sciences-Po Paris.
Est-ce un coup d’Etat qui a renversé Mohamed Morsi ?
Je pense que le débat sémantique du coup d'Etat ou de la révolution est trop réducteur pour appréhender la complexité de la situation. Il y avait clairement un blocage institutionnel. Les Frères musulmans ont aujourd'hui beau jeu de se réfugier derrière la légitimité des urnes. Les institutions étaient paralysées, il n'y avait plus de Parlement et le processus électoral était gelé. A cela s'ajoute un contexte économique défavorable qui n'a cessé de se dégrader, entraînant un profond mécontentement dans la population qui s'est exprimé à travers Tamarod [le mouvement à l'origine de la chute de Morsi,ndlr]. Il est évident que certains groupes étaient déterminés à faire chuter les Frères, je pense notamment à l'armée et aux nostalgiques de l'ancien régime.
A qui profite la situation ?
Les vainqueurs sont aujourd’hui la magistrature, l’armée et les hommes d’affaires proches de l’ancien régime, qui sont en train de reprendre le pays en main. Mais rien n’est acquis et tout va dépendre notamment de leur capacité à ménager la place des Frères musulmans. Aujourd’hui, la vague de répression et la diabolisation de la confrérie reproduisent les mêmes méthodes que par le passé. Si les anciennes équipes reviennent aux affaires avec les mêmes comportements, sans prendre en compte les exigences de liberté et de justice sociale, ils vont être mis en difficulté, car la société, elle, a cha