Le Mali est un théâtre d'ombres. A Bamako, on célèbre l'intervention militaire française, mais on est prêt à vilipender l'ex-puissance coloniale qui impose une élection présidentielle au pas de charge. On y dénonce la corruption d'une armée déliquescente et d'une classe politique avide, mais l'homme de la rue s'accommode, lui aussi, du yuruguyurugu - un terme qui en langue bambara signifie la magouille. Et que dire du conflit entre le Sud et le Nord, autrement dit des tensions récurrentes avec les Touaregs ? Là encore, les apparences sont trompeuses : si les «hommes bleus» sont animés par un désir d'indépendance, attention à ne pas sous-estimer la fluidité des alliances dans cette région sahélo-saharienne où la rudesse du climat ne laisse d'autre choix aux habitants du désert que d'apprendre à survivre par tous les moyens, y compris par les moins licites.
Cette réalité parallèle, le livre publié sous la direction de Michel Galy la décrit bien. Si les chapitres consacrés à l'opération Serval sont sans doute trop marqués par une vision caricaturale de la politique française, encore et toujours frappée du sceau infamant de la Françafrique, on lira avec profit le chapitre écrit par le philosophe et dramaturge Jean-Louis Sagot-Duvauroux. A la veille du vote, ce dernier rappelle qu'une partie non négligeable des Bamakois a soutenu le putsch mené par le capitaine Sanogo contre l'ex-président Amadou Toumani Touré. Et souligne qu'au Mali, si «l'Etat n'a jamais vraiment pr