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Libération
Interview

«Une colère rentrée liée à un profond sentiment d’inégalité»

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Pour le cinéaste Jia Zhangke, la Chine est proche de «l’explosion sociale».
publié le 24 juillet 2013 à 19h36

Presque prémonitoire,

,

le dernier film de Jia Zhangke (qui a obtenu

) colle aux actes de frénésie meurtrière dont la Chine est le théâtre en ce moment.

«Cette vague de violence soudaine montre que les gens ont en eux-mêmes une grande capacité de violence intériorisée, analyse le réalisateur. Elle émane de toute une suite de tragédies individuelles qui sont le symptôme de conflits sociaux très profonds.» A Touch of Sin

(«un soupçon de péché») raconte quatre histoires inspirées de faits réels. Un mineur confronté à la corruption règle ses comptes à coups de fusil ; un paysan migrant pour qui la vie n’a pas de sens devient tueur professionnel ; l’employée d’un sauna tue au couteau un client qui la bat et l’humilie ; un jeune ouvrier se suicide en sautant du balcon de son dortoir.

Pourquoi ce film ?

Il plane sur la Chine une odeur d’explosion sociale. Les bouleversements qu’a connus la société ont accru les pressions sur les individus, mais ceux-ci n’ont aucun moyen pour les exprimer ou pour résoudre leurs problèmes par les voies habituelles. Face à l’inextricable, ils ont recours à des moyens violents. A partir du moment où une société bloque tous les moyens d’expression des gens, cette société est anormale. D’où cette colère rentrée liée à un profond sentiment d’inégalité, qui lui-même engendre un sentiment d’échec.

La Chine n’a-t-elle pas toujours été violente ?

Oui, mais il y a un élément nouveau : la révolte individuelle par la violence. Ce phénomène n’a jamais été aussi virulent. Il est possible qu’il y ait eu autant de cas au