La destitution du président égyptien Morsi par les militaires s’appuyant sur d’immenses manifestations populaires, tout comme la contestation croissante à l’encontre du pouvoir d’Ennahda en Tunisie, marquent une nouvelle phase dans l’évolution du printemps arabe. Dans ces deux pays qui en furent les moteurs, les premières élections libres enregistrèrent le triomphe des partis islamistes, avec leur slogan «l’islam est la solution», qui se sont depuis fracassées sur la réalité du pouvoir et les difficultés économiques.
«L'armée et la tribu sont en train de l'emporter sur l'islam ; c'est une revanche des structures anthropologiques traditionnelles des sociétés arabes et des partisans des anciens régimes», analyse Mathieu Guidère, soulignant, pour le cas égyptien, qu'il s'agit «d'une victoire de la contre-révolution représentée par les militaires, que soutiennent paradoxalement les libéraux, et qui est bien décidée à en finir avec les Frères musulmans». «Pour de nombreux Egyptiens, la situation rappelle celle des années 1952-1954, quand la prise de pouvoir par les officiers libres fut suivie de deux années de pouvoir anarchique avant que l'armée, en s'appuyant sur le peuple descendu dans la rue, ne porte au pouvoir le colonel Nasser», relève cet universitaire spécialiste du monde arabe, convaincu de voir avec Al-Sissi, chef des armées, «l'émergence d'un nouvel homme fort qui estime avoir par la rue le mandat du peuple».