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Interview

«L’atout des Frères, c’est la légitimité de la résistance»

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Le monde arabe en ébullitiondossier
Selon le spécialiste du Moyen-Orient Jean Marcou, la confrérie est acculée à la radicalisation.
Manifestation pro-Morsi au Caire le 16 août. (Photo Muhammad Hamed. Reuters)
publié le 16 août 2013 à 22h26
(mis à jour le 18 août 2013 à 11h10)

Jean Marcou, spécialiste du Moyen-Orient et professeur à Sciences-Po Grenoble, vient de publier la Nouvelle Egypte (éditions Cavalier bleu), pays qu'il connaît bien pour avoir enseigné à l'université du Caire entre 2000 et 2006. Il est aussi coresponsable de l'Observatoire de la vie politique turque (Ovipot). Il revient sur les derniers jours qui ont ensanglanté l'Egypte.

Un glissement sémantique s’est opéré : les Frères musulmans sont devenus des terroristes dans la bouche des militaires. Ces derniers ont même été qualifiés «d’éradicateurs»…

Au moins 500 victimes en vingt-quatre heures. Si on compare aux 980 morts pendant les trois semaines de la révolution de 2011 : on n’est plus dans le domaine de la répression mais dans le massacre.

Il est évident que l’armée ne peut plus endosser le rôle de médiateur après ces dernières soixante-douze heures…

Depuis le coup d’Etat de 1952, l’armée a toujours été au cœur du système. Même après les événements révolutionnaires qui ont précipité le départ de Hosni Moubarak, c’est le maréchal Tantaoui qui a exercé par intérim les fonctions de chef de l’Etat, et ce jusqu’à l’élection de Mohamed Morsi. A ce moment-là, l’armée a promulgué des textes visant à maintenir son budget et son pouvoir à travers les nominations des principales autorités militaires.

Et Morsi a été a son tour destitué par les militaires qu’il avait lui-même nommés…

Morsi a paru vouloir émanciper l'Egypte de l'armée en expulsant le maréchal Tantaoui et en faisant monter une nouvelle génération de militaires. Expulser les septuagénaires pour faire place aux quinquagénaires. On s'est alors dit que, comme Erdogan [en Turquie, ndlr], il souhaitait s'affranchir des militaires et créer un pouvoir civil. L'armée l'a accepté pour se mettre en retrait de la politique, mais aussi se protéger des critiques. Le paradoxe aujourd'hui,