Dans l'article que Libération a publié le 16 août, je suis stupéfaite de constater à quel point vous êtes restés nassériens, vous, anciens marxistes, mes vieux camarades, considérés parmi les meilleurs connaisseurs de l'Egypte.
Bien sûr que ce sont les Frères musulmans qui sont responsables de ce qui se passe aujourd'hui en Egypte. Leur arrivée au pouvoir était prévisible, bien avant les élections, truquées ou pas. Leur incapacité à gouverner aussi : leur seule expérience de la politique est ce que j'appellerais le porte-à-porte. Malgré le vieil antagonisme qui perdure entre l'armée et les Frères musulmans - dont ils ont durement pâti pendant des décennies - les Frères ont pris en main tout le volet social, dont se désintéressait le pouvoir, quel qu'il soit. Les mosquées étaient leur porte-voix, des medersas et des dispensaires ouverts aux plus pauvres, l'aide matérielle et financière aussi ; en échange de quoi, ils régissaient la vie spirituelle et morale de leurs ouailles d'une façon plus ou moins puritaine. Celles-ci, d'ailleurs, ne connaissaient rien d'autre ! Et le petit peuple égyptien a la reconnaissance du ventre. Il était donc naturel qu'il vote pour les Frères. Ils ne pouvaient pas se douter qu'ils n'avaient aucune expérience du pouvoir mais en profiteraient pour chercher à imposer leurs vues à l'ensemble de la société.