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Libération
TRIBUNE

Chaos au cœur de l’Afrique

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par Ivan Simonovic, Secrétaire général adjoint des Nations unies aux droits de l’homme (1)
publié le 22 août 2013 à 19h26

L

a salle d’audience du palais de justice de la ville de Bambari n’a ni portes ni fenêtres. Le siège du juge, les tables et les chaises ont tous disparu, pillés. Le sol est jonché de papiers - des restes d’archives et de registres publics. J’ai ramassé quelques feuillets éparpillés ; certains documents dataient de l’époque coloniale. Le système judiciaire de la République centrafricaine ressemble aujourd’hui à cette salle d’audience. En dehors de la capitale, Bangui, il n’y a ni police, ni procureurs, ni juges, mais les forces de la coalition Séléka, qui ont pris le contrôle du pays en mars (2), et qui sont présentes, partout. Ses membres ne perçoivent pas de salaires ; à la place, ils érigent des barrages routiers, extorquent les gens sur le marché ou pillent les maisons.

Mais ils ne font pas que piller. A l’hôpital de Bambari, j’ai rencontré un certain nombre de leurs victimes. Il y avait Martine, 18 ans, qui était enceinte de quatre mois quand elle a été violée. Elle a perdu l’enfant qu’elle portait. Solange, veuve et mère de cinq enfants, a été violée alors qu’elle vendait du café sur le bas-côté de la route. Annette, quant à elle, a reçu une balle dans le bras parce qu’elle ne voulait pas laisser le peu d’argent qu’elle avait gagné au marché. De nombreuses personnes ont été tuées, mais l’on ne connaît pas les chiffres exacts. J’ai visité un lieu qui est censé abriter une fosse commune. Dans l’attente d’une enquête formelle, les habitants des alentours ont affirmé que des